Et si on revalorisait le travail indépendant ?

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Les indépendants sont généralement attachés à leur activité tout en étant fortement appréciés par la population. Et pourtant, leurs revenus sont largement inférieurs à ceux des salariés, le tout avec une protection sociale moindre. Il est donc urgent de revaloriser leur rémunération et seule une mutualisation des revenus garantissant à toutes et à tous le salaire minimum le permettra.

Une récente enquête ODOXA commandée par Union-indépendants et Les Echos[1]Odoxa, « Les indépendants subissent de plein fouet la crise sanitaire », 7 avril 2021, http://www.odoxa.fr/sondage/independants-subissent-de-plein-fouet-crise-sanitaire/ met en lumière la situation critique des indépendants en terme de rémunération alors que ceux-ci sont appréciés par la population et que ce statut est un choix délibéré répondant à leur aspirations.

Mal rémunérés pour beaucoup d’heures…

En 2019, dernière année « normale » avant la crise sanitaire, le revenu annuel net médian[2]Un revenu médian est le montant du revenu qui divise une population en deux groupes égaux, la moitié ayant un revenu supérieur à ce montant et l’autre moitié ayant un revenu inférieur à … Continue reading des indépendants s’établissait à 9000 euros, soit 750 euros mensuel et donc très éloigné du salaire médian de 1789 euros[3]Données de 2016 (Source Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4129807).. Le revenu annuel moyen est, bien sûr, supérieur à 16 390 euros annuel, ce qui correspond à 1366 euros mensuel, à peine supérieur au Smic net de 1231 euros.

Et pourtant, ils font beaucoup d’heures : celles et ceux qui ne sont ni salarié, ni étudiant, ni retraité en parallèle effectuent en moyenne 41 heures, ce qui engendre une rémunération horaire encore plus faible que la moyenne.

La crise du covid a porté un coup très dur aux indépendant·es dont les rémunérations moyenne et médiane ont chuté respectivement de 22% et 44%. L’année dernière, le revenu net annuel médian d’un indépendant a été de 5000 euros net, soit 417 euros mensuel !

… mais libres et considérés par la population

Pour autant, les indépendant·es aiment leur métier. 70 % viennent du salariat et ils sont 85 % à l’avoir choisi délibérément. Les raisons ? L’autonomie pour 42 % d’entre eux, l’exercice du métier à leur manière (42%) et la liberté dans leur emploi du temps.

Cette façon de travailler pourrait susciter des réticences et des jalousies. Et bien non, 92% de la population a une bonne opinion des indépendants qu’ils qualifient de courageux (90%), passionnés (87%) et polyvalents (82%).

Comment améliorer cette situation économique profondément injuste ?

La proposition de Salaire minimum socialisé (SMS) extrait une partie de la valeur produite par toutes les entreprises d’une économie (sociétés, associations, coopératives, indépendant.es) pour garantir à chaque personne en emploi, indépendant ou salarié, un Smic quelle que soit la valeur produite. D’après mes calculs, cela revient à mutualiser 54 % de la valeur produite par l’ensemble des entreprises, ce qui laisse 46 % à répartir entre les travailleurs et pour la rémunération du capital.

Dans le cas des indépendant·es, ceci signifie qu’ils auront désormais chacun le Smic garanti augmenté de 46 % de ce qu’ils produisent. Le revenu médian passerait ainsi de 750 euros à 1576 euros (1231 + 46 % x 750)[4]À protection sociale inchangée. Mais comme nous allons le voir plus loin, l’adoption du SMS sera aussi l’occasion d’harmoniser par le haut la protection sociale, ce qui réduira légèrement … Continue reading ; le revenu moyen de 1366 euros à 1859 euros (1231 + 46 % x 1366).

Ce Salaire minimum socialisé (SMS) apportera aussi un lissage des revenus en cas de difficultés passagères, lissage qui aurait été bien utile durant la crise du Covid.

Enfin, ce système est une formidable aide à l’entrepreneuriat. Toute personne qui souhaite lancer sa propre entreprise n’aura plus à souffrir de cette période initiale dans laquelle il faudra qu’elle se trouve sa clientèle et aura donc peu de revenus. Avec le SMS, elle touchera dès le départ le Smic, charge à elle d’améliorer son revenu par son activité.

Protection sociale

La protection sociale est une autre source d’injustice à l’égard des indépendant.es. Outre le fait qu’il n’existe aucune garantie de revenu, leur retraite sera souvent minime comparée à celle qu’ils auraient pu avoir en tant que salarié. Le même sondage Odoxa indique que 41% ont hésité
à devenir indépendant pour cette raison.

Le propre du SMS est d’offrir à l’ensemble des travailleurs le Smic avec l’ensemble de ses cotisations sociales, salariales comme patronales : le calcul de la mutualisation de 54 % de la richesse produite a été faite pour un Smic total (avec l’ensemble de ses cotisations sociales) de 2332 euros. En appliquant à l’ensemble des travailleurs le régime de la sécurité sociale, la protection sociale ne sera alors plus un obstacle à être indépendant.

Le SMS nous montre qu’il est donc possible de favoriser le travail indépendant et l’entrepreneuriat sans aucune concession sur la protection sociale.

Photo by James Kovin on Unsplash

References

References
1 Odoxa, « Les indépendants subissent de plein fouet la crise sanitaire », 7 avril 2021, http://www.odoxa.fr/sondage/independants-subissent-de-plein-fouet-crise-sanitaire/
2 Un revenu médian est le montant du revenu qui divise une population en deux groupes égaux, la moitié ayant un revenu supérieur à ce montant et l’autre moitié ayant un revenu inférieur à celui-ci.
3 Données de 2016 (Source Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4129807).
4 À protection sociale inchangée. Mais comme nous allons le voir plus loin, l’adoption du SMS sera aussi l’occasion d’harmoniser par le haut la protection sociale, ce qui réduira légèrement ces rémunérations nettes.